Le
projet de réforme de l'évaluation des personnels est l'application
à l’Éducation nationale du protocole Fonction publique
"Parcours professionnels, carrières et rémunérations"
(PPCR). Sous couvert de "revalorisation salariale" au
demeurant fort minime, appuyé sur des "négociations" avec
toutes les organisations syndicales engagées en mai 2016, le
gouvernement entend modifier profondément les statuts particuliers
des personnels enseignants, d'orientation et des CPE.
Ces
projets accompagnent la mise en oeuvre de la loi de 2013 (loi dite de
"refondation" de l'école).
À
travers cette nouvelle évaluation des personnels enseignants, le
projet de décret du gouvernement veut imposer un changement radical
du métier. Et il porte gravement atteinte aux garanties statutaires
de ces personnels. Il reprend en modifiant le vocabulaire les
principales mesures du décret Châtel de 2012 contre lequel les
personnels et les syndicats s'étaient mobilisés.
* La
notation chiffrée remplacée par l'évaluation de 11 compétences.
Une avancée ?
Comme
les élèves, les enseignants seront évalués par "compétences",
outil de flexibilité, selon les termes même du patronat.
Ces compétences sont liées au "référentiel des compétences
professionnelles des métiers du professorat" de 2013 (1).
Ce n'est pas tant la pédagogie, la capacité à faire
acquérir des savoirs aux élèves qui serait évaluée mais les
comportements des personnels, avec en prime l’introduction des
techniques de management du privé.
->
Exemples de compétences :
-
"coopérer au sein d’une équipe"
-
"s’engager dans une démarche individuelle et collective de
développement professionnel"
* Trois
rendez-vous de carrière.
Ces
rendez-vous de carrière se composeront d’une inspection suivie
d’un entretien avec l’inspecteur, ainsi que d’un entretien avec
le chef d’établissement dans le second degré. Ils seront basés
sur la grille de compétences ; dans le secondaire, l’inspecteur et
le chef d’établissement rédigeront chacun une appréciation après"échange préalable entre eux", confirmant encore
un peu plus la confusion entre évaluation administrative et
pédagogique.
Par
ailleurs, "Il
est fortement recommandé que l’enseignant prépare en amont ses
rendez-vous de carrière" en
s'appuyant sur "un document de
référence à destination des évaluateurs".
Ce qui revient inciter l'enseignant à s’auto-évaluer selon les
compétences attendues et à faire valoir son engagement dans
l'établissement.
Chaque enseignant sera soumis "à une accompagnement continu dans son parcours professionnel". Cet accompagnement fera suite à la "demande des personnels ou de l’institution".(*)
Source : (1)
http://www.education.gouv.fr/cid73215/le-referentiel-de-competences-des-enseignants-au-bo-du-25-juillet-2013.html
* "Accompagnement"
? Ou mise en cause de la liberté pédagogique
?
L’accompagnement
pourra concerner :
-
"la conception et la mise en
œuvre de projets ou de dispositifs pédagogiques, sur l’évolution
des pratiques pédagogiques et sur l’explication des orientations
nationales et académiques en matière d’éducation"
"la
construction et la formalisation d’une stratégie d’enseignement
au sein de l’école ou de l’établissement ".
Cet
accompagnement est la négation du droit à la "formation
professionnelle continue" payée par l'employeur (sur le
temps de travail) et selon la demande du personnel.
* "Accompagnement"
? Ou une mise sous tutelle par les pouvoirs locaux ?
Chaque enseignant sera soumis "à une accompagnement continu dans son parcours professionnel". Cet accompagnement fera suite à la "demande des personnels ou de l’institution".(*)
Mais
le "dialogue régulier"
avec le chef d'établissement lui permettra d'intervenir dans le
domaine pédagogique. Le chef d'établissement et l'inspection
pourront exercer des pressions contraignant à des "formations"
afin que les enseignants se soumettent à la "refondation
pédagogique" incluse dans le socle, les nouveaux
programmes, la nouvelle évaluation des élèves (LSUN), etc.
Ainsi resurgit sous une autre forme l’entretien professionnel mis
en place dans la Fonction Publique et contesté par les personnels.
Et dans le 1er
degré ce dispositif ouvre la voie à un statut de directeur.
(*)
: cette formulation présente dans le projet de décret balai du 03
novembre risque d'être modifiée en "demande
des personnels ou à une
proposition de l’institution"
(ceci ne change rien sur le fond)
Plus
de détail : ici
* Quelle revalorisation salariale ?
Le
blocage du point d'indice est maintenu (son augmentation est soumise
aux "indicateurs économiques").
Et
les modifications de la grille impliquent une différenciation
salariale accrue. Suite aux "rendez-vous
de carrière", 70% des
enseignants ne bénéficieraient d’aucune accélération de
carrière. Quant à l’accès à la hors-classe, rien ne garantit
que tous y auront accès. Et l’accès à la classe exceptionnelle
dépendrait de l’exercice de "fonctions
particulières" : seuls 10% y
auraient accès.
Le
projet du gouvernement sape le cadre national, vise à imposer des
règles édictées par les pouvoirs locaux,
face auxquels les personnels devront rendre des comptes en
permanence.
Il
prépare le terrain pour le recrutement local des enseignants.