lundi 5 décembre 2016

Présentation de la réforme de l'évaluation des personnels enseignants

Le projet de réforme de l'évaluation des personnels est l'application à l’Éducation nationale du protocole Fonction publique "Parcours professionnels, carrières et rémunérations" (PPCR). Sous couvert de "revalorisation salariale" au demeurant fort minime, appuyé sur des "négociations" avec toutes les organisations syndicales engagées en mai 2016, le gouvernement entend modifier profondément les statuts particuliers des personnels enseignants, d'orientation et des CPE.
Ces projets accompagnent la mise en oeuvre de la loi de 2013 (loi dite de "refondation" de l'école).
À travers cette nouvelle évaluation des personnels enseignants, le projet de décret du gouvernement veut imposer un changement radical du métier. Et il porte gravement atteinte aux garanties statutaires de ces personnels. Il reprend en modifiant le vocabulaire les principales mesures du décret Châtel de 2012 contre lequel les personnels et les syndicats s'étaient mobilisés.

  * La notation chiffrée remplacée par l'évaluation de 11 compétences. Une avancée ?


Comme les élèves, les enseignants seront évalués par "compétences", outil de flexibilité, selon les termes même du patronat. Ces compétences sont liées au "référentiel des compétences professionnelles  des métiers du professorat" de 2013 (1). Ce n'est pas tant la pédagogie, la capacité à faire acquérir des savoirs aux élèves qui serait évaluée mais les comportements des personnels, avec en prime l’introduction des techniques de management du privé.

 
-> Plus de détail : ici et ici
-> Exemples de compétences :
- "coopérer au sein d’une équipe" 
- "s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel" 
 



  * Trois rendez-vous de carrière.

Ces rendez-vous de carrière se composeront d’une inspection suivie d’un entretien avec l’inspecteur, ainsi que d’un entretien avec le chef d’établissement dans le second degré. Ils seront basés sur la grille de compétences ; dans le secondaire, l’inspecteur et le chef d’établissement rédigeront chacun une appréciation après"échange préalable entre eux", confirmant encore un peu plus la confusion entre évaluation administrative et pédagogique.
Par ailleurs, "Il est fortement recommandé que l’enseignant prépare en amont ses rendez-vous de carrière" en s'appuyant sur "un document de référence à destination des évaluateurs". Ce qui revient inciter l'enseignant à s’auto-évaluer selon les compétences attendues et à faire valoir son engagement dans l'établissement.




* "Accompagnement" ? Ou mise en cause de la liberté pédagogique ?


L’accompagnement pourra concerner :
- "la conception et la mise en œuvre de projets ou de dispositifs pédagogiques, sur l’évolution des pratiques pédagogiques et sur l’explication des orientations nationales et académiques en matière d’éducation"
"la construction et la formalisation d’une stratégie d’enseignement au sein de l’école ou de l’établissement ".


Cet accompagnement est la négation du droit à la "formation professionnelle continue" payée par l'employeur (sur le temps de travail) et selon la demande du personnel.



  * "Accompagnement" ? Ou une mise sous tutelle par les pouvoirs locaux ?

Chaque enseignant sera soumis "à une accompagnement continu dans son parcours professionnel". Cet accompagnement fera suite à la "demande des personnels ou de l’institution".(*)
Mais le "dialogue régulier" avec le chef d'établissement lui permettra d'intervenir dans le domaine pédagogique. Le chef d'établissement et l'inspection pourront exercer des pressions contraignant à des "formations" afin que les enseignants se soumettent à la "refondation pédagogique" incluse dans le socle, les nouveaux programmes, la nouvelle évaluation des élèves (LSUN), etc. Ainsi resurgit sous une autre forme l’entretien professionnel mis en place dans la Fonction Publique et contesté par les personnels.

Et dans le 1er degré ce dispositif ouvre la voie à un statut de directeur.



(*) : cette formulation présente dans le projet de décret balai du 03 novembre risque d'être modifiée en "demande des personnels ou à une proposition de l’institution" (ceci ne change rien sur le fond)


Plus de détail : ici


* Quelle revalorisation salariale ?


Le blocage du point d'indice est maintenu (son augmentation est soumise aux "indicateurs économiques").
Et les modifications de la grille impliquent une différenciation salariale accrue. Suite aux "rendez-vous de carrière", 70% des enseignants ne bénéficieraient d’aucune accélération de carrière. Quant à l’accès à la hors-classe, rien ne garantit que tous y auront accès. Et l’accès à la classe exceptionnelle dépendrait de l’exercice de "fonctions particulières" : seuls 10% y auraient accès.
Le projet du gouvernement sape le cadre national, vise à imposer des règles édictées par les pouvoirs locaux, face auxquels les personnels devront rendre des comptes en permanence.
Il prépare le terrain pour le recrutement local des enseignants.


Source  : (1) http://www.education.gouv.fr/cid73215/le-referentiel-de-competences-des-enseignants-au-bo-du-25-juillet-2013.html